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Gaston Baty et la Marionnette

« À Charles Dullin, puisque des marionnettes de Joly, nous avons appris tous deux à ne vivre que pour le Théâtre, comme elles. »

 

Par ces mots, Gaston Baty dédie à son ami l’ouvrage qu’il vient d’écrire sur le Théâtre Joly, théâtre de marionnette à fils. C’est en effet à Lyon, sur ces bancs, que Baty enfant découvre le Théâtre et c’est là que naît son amour des marionnettes. Il leur consacrera sa vie durant une attention particulière et grandissante. Très marqué par les traditions françaises de marionnettes, il fait œuvre d’historien, constituant plusieurs recueils de pièces issues des répertoires traditionnels, leur dédiant articles et livres.

Il devient peu à peu un ardent défenseur de la Marionnette. Sa notoriété, son parcours et ses écrits lui valent la reconnaissance des marionnettistes qui font de lui une caution intellectuelle face à ceux qui les accusent d’ «enfantillage».

Le Théâtre Montparnasse-Gaston Baty, qu’il dirige entre 1930 et 1943, accueille régulièrement des spectacles de marionnettes. C’est finalement dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale qu’il décide de se consacrer pleinement à la Marionnette. S’il y voit avant tout un espace d’évasion du réel, elle est aussi pour lui une manière de défendre l’idée d’un théâtre de forme artisanale, en réponse aux formes industrielles que prend dans ces années-là le spectacle, notamment à travers le cinéma. Et dans la continuité de son œuvre de re-théâtralisation du Théâtre, Baty voit la Marionnette comme un moyen d’élargir ses possibilités et d’en faire « un art capable d’exprimer au-delà des corps, des sentiments et de la pensée, l’âme ».

 

En 1944, après sept années de recherche dont trois ans de travaux préparatoires pour l’entraînement d’une compagnie spécialisée et la constitution d’un répertoire, il créé avec ses compagnons La Queue de la Poële. Entouré de l’équipe des Marionnettes à la Française composée de grands noms de l’époque – notamment le sculpteur Collamarini, le peintre-décorateur Émile Bertin ou des comédiens-marionnettistes tels qu’André-Charles Gervais ou André Blin –, il explore les possibilités d’expression de la marionnette à gaine. Ensemble ils élaborent une grammaire de la marionnette, méthode pédagogique d’apprentissage de cette technique, mise en forme par André-Charles Gervais qui fait encore référence aujourd’hui.

 

Baty imagine, à la manière du Guignol lyonnais, des personnages récurrents dont la figure principale est Jean- François Billembois, compagnon menuisier du tour de France. Son intention est de créer un répertoire basé sur le terroir de chaque région. Chaque pièce serait écrite en collaboration avec un auteur dramatique imprégné du terroir de sa région et se composerait des chansons, des légendes, des traditions de cette dernière en évitant toute allusion à la vie contemporaine. Baty imagine ainsi « alléger » la France de l’après-guerre du « siècle de trop » qu’elle traverse.

En automne 1947, une nouvelle compagnie est constituée avec notamment Maurice Garrel, Alain Recoing, Jean- Loup Temporal et Claude-André Messin. La perfection minutieuse de la réalisation ainsi que l’attitude de ce metteur en scène célèbre consacrant son talent à un art encore jugé mineur étonnent. Pour la troisième et dernière fois de sa vie Baty se confronte au mythe de Faust :La Tragique et plaisante Histoire du docteur Faust est jouée en Allemagne en 1949.On peut découvrir aujourd’hui entre les murs de la BatYsse, l’une des rares marionnettes originales encore visible de cette troupe, le personnage de Méphistophélès.

Dans les années qui suivent, Gaston Baty s’engageant dans la décentralisation théâtrale est nommé directeur du centre dramatique national du Sud-est. Il caresse alors le projet d’une Maison de la Marionnette à Aix-en-Provence qui donnerait les conditions idéales aux troupes de marionnettistes pour créer et jouer leurs spectacles. Baty meurt le 13 octobre 1952 dans sa maison de Pélussin, ce projet ne verra donc pas le jour.

 

Si son approche de la marionnette relève d’une esthétique de l’évasion et mène à la constitution d’un univers de contes et de légendes un peu désuet, son exploration des techniques de manipulation et de la mise en scène, sa réflexion sur le jeu, l’écriture, la formation ont été d’un apport considérable et ont contribué à la reconnaissance de la Marionnette comme un art à part entière.

 

 

Gabriel Hermand-Priquet

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