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En dénonçant la primauté de l’auteur et du texte littéraire dans la construction du théâtre et en affirmant le metteur en scène, le décorateur, l’éclairagiste comme des créateurs à part entière au même titre que l’auteur, Gaston Baty a contribué à la formulation du Théâtre comme l’art pluridisciplinaire par excellence. Il en a été l’un des artisans et s’inscrivit aux côtés de ceux qui avaient compris le rôle et l’importance que la Marionnette pouvait y jouer. En consacrant à ses traditions des écrits théoriques, en en interrogeant leur mise en pratique dans sa problématique de metteur en scène et en portant un soin particulier à leur transmission et à la formation de marionnettistes il ouvrit un peu plus la porte à la reconnaissance de la Marionnette comme un art en devenir.

 

Un demi-siècle plus tard, l’esprit, les théories qui animèrent Gaston Baty et ses contemporains ont infusé à travers les arts du spectacle vivant comme un sédiment. Ils se sont déposés, ont servi de terreau à d’autres qui ont poursuivi, reformulé, poussé vers plus loin ce jeu de composition, d’écritures, de rencontres entre les différentes pratiques artistiques. De nouvelles pratiques du Théâtre en ont émergé. La Marionnette contemporaine s’est dessinée.

 

Aujourd’hui nous défendons l’idée de la Marionnette comme un langage spécifique des arts vivants, un langage qui a ses propres codes, sa propre grammaire mais dont l’aspect protéiforme amène sans cesse ceux qui arpentent son vaste champ à en redéfinir les limites, en explorer les zones de rencontre, de friction, de partage avec les autres arts et en questionner les mutations.

 

Depuis quelques décennies, la Marionnette a développé des recherches esthétiques, sémiologiques et poétiques spécifiques qui répondent non seulement aux exigences des marionnettistes d’aujourd’hui mais aussi à celles des metteurs en scène, chorégraphes, scénographes, plasticiens qui cherchent en elle une autre forme d’écriture pour réinterroger et éprouver leurs propres pratiques.

L’effervescence de ces mutations et cet engouement ont élargi l’étendue de son terrain de jeux. Loin d’avoir été modifié, son caractère original et originel n’en est que renforcé, nourri par toutes sortes de nouveaux moyens.

 

Et la Marionnette comme elle le fut depuis ses origines, se posant à la fois comme champ d’innovation plastique, aire de jeu de nouveaux langages, à la fois savante et populaire, avant-gardiste et traditionnelle, nous apparaît aujourd’hui d’autant plus comme cet objet transitionnel, cet objet de lien qui met en relation des mondes intérieurs, parfois antérieurs, avec d’autres mondes extérieurs ou à venir. Qu’elle soit nommée espace entre Vivant et Mort, Présent et Passé, Mobile et Immobile, Miroir et Autre côté... ou même pourquoi pas ? Rural et Urbain, la Marionnette se pose là comme cette chose porteuse d’âme qui nous ouvre l’espace de jeu entre ces mondes, cet espace dans lequel on joue à se bâtir des réalités.

 

Et jouant dans cet espace, le souvenir d’un jeune Baty, assistant de Firmin Gémier (le précurseur de la décentralisation) croise un Baty vieillissant se consacrant à la Marionnette et remonte à nous entre les murs de cette BatYsse comme un encouragement...

 

 

Gabriel Hermand-Priquet

 

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